« Il naviguait en Père Pénard »
… Les copains d’abord, ou la rencontre de quatre grands pratiquants de la « chine » aux aurores.
Début des années 90, lorsque la propriétaire de la vieille librairie du Quai Fulchiron cède son commerce, les compères décident de prendre le relais, d’élimer encore un peu le plancher, de creuser la courbe de poids des étagères et de trébucher quotidiennement sur les tomettes déchaussées.
Ils s’essayent à tous les styles d’ouvrages : la vieille revue, la Bande-Dessinée, la Science-fiction, le livre rare, le roman à l’eau de rose, le polar, le polar historique, le polar historique et psychologique... Toujours du livre d’occasion, sinon c’est moins drôle. Il faut chasser tous les jours la perle, envoyer les rabatteurs au quatre coins de la région, et pouvoir répondre « oui » ou « presque » à chaque demande. Un roman qui se passe dans une maison à la campagne, de préférence en construction et en Bourgogne ? Mais bien sûr !
Comme image, ils se choisissent un hérisson lisant sur le bidet, et comme adage, à la jonction d’un freudisme excrémentiel et d’une syntaxe shakespearienne, les Pères Pénards se targuent d’un « Je lis où je suis ».
Lieu de parlotte pour Edouard Herriot, poste d’avant-garde de la résistance pendant la Seconde Guerre Mondiale, décor de film, elle en aura vue passer cette vieille turne. Et elle garde le reflet de chaque visage dans sa galerie de portraits. Dans ce lieu chargé de 150 ans d’Histoire, il est bon de fermer les yeux et sentir, bien plus loin que les livres, le temps qui s’écoule lentement. »
L'équipe :
Le Père (Jean-Claude):
Très tôt diagnostiqué par le corps médical, atteint d'un mal qui le condamna à un traitement quotidien lourd, et le détourna d'activités pouvant affaiblir ses forces vitales, Jean-Claude, avant d'être le Père, Jean-Claude donc, déclara dès qu'il mit sa première paire de lunettes, la maladie du livre. Cette pathologie s'exprime non seulement par l'absorption chronophage de quelques kilomètres de pages par jour, mais aussi par une évolution exponentielle de l'activité des synapses. Des traitements mis en place tour à tour n'eurent aucun effet sur cette boulimie. L'on tente de canaliser son "énergie" en lui faisant passer plus de diplômes que de raison. Si l'Etat ne s'en était pas mêlé (convoquant d'autorité le plafonnement des retraites) peut-être que l'on eut pu constater un léger déclin de la maladie. C'est en 1994 que, ne pouvant plus rentrer chez lui, la porte ayant explosé sous le poids d'une vague de livres dégueulant sur la voie publique, Jean-Claude décida d'ouvrir une librairie. Il devint dès lors Le Père, Le Procréateur, Le Géniteur d'un bébé gargantuesque de 150m2 qui vint s'échouer sur les bords de Saône.
Le Loup Solitaire (Gérard):
Ou les tribulations d'un marathonien dompteur de cheval, alpiniste, faiseur de soupes et brocanteur. Il fallait une mascotte à cette librairie et qui de mieux qu'un homme au visage sculpté dans la pierre et à la crinière blanche et sauvage? Ce loup-solitaire, ce n'est pas entre les murs de la librairie que vous le trouverez, car il court aux quatre vents, sifflote par monts et par vaux et plante parfois ses quilles sur une place de village. Ce petit colporteur sort alors de sa carriole toutes les babioles qu'il a été donné d'inventer. Le livre redevient objet, il est là pour sa beauté. Un Bécassine d'époque, un Code Napoléon relié, des illustrations de... Et de temps en temps, quand ça lui prend, il revient pointer le bout du museau à la librairie. C'est que la compagnie des hommes n'est pas si vilaine. Gérard ne vient pas à la librairie, Gérard va en ville. Ce qui nous permet, nous, pauvres citadins asthmatiques, d'aspirer une bouffée d'air champêtre et vivifiante.
Nounours (Philippe):
Ne le cherchez pas, il est en Afrique ! Si par hasard, vous le voyez sur le Quai Fulchiron, c'est qu'il est en transit, ou qu'il attend un visa... Aucun vaccin ne l'a protégé de la "libriose" mais les symptômes ne se lisent pas sur son visage de baroudeur. Parlez-lui des contrées lointaines et vous voyagerez. Il sait tout sur Livingstone, et même sur le goéland, dont il a fait son ami ! Fachoda n'a pas de secrets pour lui et il s'est abreuvé à toutes les sources du Nil pour venir s'amarrer au milieu des livres.
Nico-ci Nico-là (Nicolas):
Ah! Le voilà, il arrive. Ah mince... Vous l'avez raté. Ah! Regardez, il revient! Vous l'avez vu? Ah, tant pis. Il devrait repasser...Là, là! Regardez! Mince...encore raté. Ainsi commence le portrait de cet énergumène. On peut l'apercevoir, ou plutôt l'entrapercevoir si on a le regard aiguisé. Certains pourraient penser que c'est un mythe. Que cette personne n'existe pas. Sa vivacité frise la vitesse de la lumière. D'ailleurs, on ne voit pas Nico, on voit un flash suivi d'un "zwif". Nico court, il ne marche pas. Nico bondit, il ne sursaute pas. Nico explose de rire, il ne rit pas. Il faut lui poser des questions à la volée et attendre qu'il passe dans l'autre sens pour entendre la réponse. Si la question est urgente, il faut lui courir après. Si la question est très urgente, il faut faire barrière de son corps et le coincer entre deux portes. Si la question est extrêmement urgente, il faut sortir le filet.
Mims (Emie):
Ne vous trompez pas ! Derrière ce petit loukoum de bonheur se cache la diabolique et malicieuse Emie ! Elle nous a bien charmé derrière ses belles boucles brunes et leurs petits reflets roux ! Ah ça oui, elle nous a bien eus avec les petites lueurs noisettes de ses yeux ! Ah ça, il n'a pas fallu longtemps pour voir les petites flammèches de bougonnerie sortir de ses narines ! Et c'est pourtant lorsque l'on entend un petit "grumbl" ou encore un "screugneugneu" lui échapper, qu'elle fait le plus fondre nos petits coeurs !
Loulou (Louis):
Basque breton, émigré au Canada… libre, alias Le Québec. Revenu précipitamment sur le Vieux Continent pour fuir un mandat d’arrêt pour trafic de sirop d’érable, il a trouvé refuge au sein du Père Pénard (pays libre de droit). Ce capillophobe, au demeurant très sympathique, vit cette réinsertion littéraire avec une déférence quelque peu exubérante. Veux-veux pas, il est bien ici.
Bibiclo (Clovis):
Un mec discret mais sympa, de moins en moins discret avec le temps, mais toujours aussi sympa. Fan de pont-levis reconverti dans le sauvetage de livre de poches en péril, fils caché du Capitaine Haddock et du Docteur Juge Ti, Clovis, Clo, a.k.a. Bibiclo pour ceux qui savent, nous a rejoint il y a plusieurs mois déjà ! L'intensité de son regard de braise lorsqu'il trinque (ci-joint un aperçu) n'est égalé que par son art consumé du frottage de couverture, rendant chaque bouquin plus étincelant que les astres. Il y aurait tellement à dire que nous choisirons de résumer cette bio par : c'est "giga cool" de t'avoir avec nous.
Match (Mathilde):
Contemporaine de Balzac, notre nouvelle recrue a des gouts impressionnants : du dernier Elsa Triolet au tout nouveau Maupassant, aucune « actualité » ne lui échappe ! Pour elle, « classique » rime avec « bath ». Elle affectionne la vie en général, et les livres en particulier (surtout ceux de Boris Vian à qui elle voue un culte inquiétant). Mathilde est enthousiaste, c’est le moins que l’on puisse dire : un petit rayon de soleil trop mim’s !